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Atira’a ia Moorea, des journées pour échanger et partager les connaissances

Par Doriane Blottière - Publié le 25 juil. 2023
Photo de groupe © Vanille Thullier
Photo de groupe © Vanille Thullier

Les mois d’avril et mai 2023 ont été chargés pour les associations de l’île de Moorea, en Polynésie française. À l’initiative de l’association Te Mana O Te Moana, des journées de formation ont été organisées afin que les différentes associations et experts de l’île se rencontrent, échangent sur leurs activités et leurs pratiques, et valorisent l’engagement associatif. Nous avons assisté à l’une de ces journées, accueillis par les Coral Gardeners.

Il est 8h30 lorsque les participants arrivent petit à petit dans les locaux des Coral Gardeners (« les jardiniers du corail », en anglais), le long de la baie de Cook à Moorea. Une douzaine de bénévoles et salariés de plusieurs associations de l’île s'est réunie à l’initiative de Te Mana O Te Moana, une association de sauvegarde des tortues marines et de sensibilisation à la biodiversité, qui a mis en place ce projet baptisé Atira’a ia Moorea (Tous unis pour Moorea). Plusieurs fois par semaine, pendant un peu plus d’un mois, des rencontres sont organisées autour d’une association ou un.e expert.e local.e, dans le but de partager les connaissances, qu’elles soient d’ordre culturelle, scientifique, environnementale ou sociale, de renforcer les compétences des membres et bénévoles des associations et de fédérer le tissu associatif de l’île. La participation à ces journées est gratuite, elles sont financées par le Fonds de développement de la vie associative (FDVA).

Ce matin-là, les Coral Gardeners accueillent des membres de Te Mana O Te Moana, des Bourdons de Moorea (sensibilisation et ramassage de déchets) et d’Océania (protection des cétacés). La matinée commence par une présentation des activités des Coral Gardeners. Taiano, qui sera notre guide, commence par expliquer les enjeux relatifs aux récifs coralliens et les menaces auxquelles ils doivent faire face, dans le contexte du réchauffement climatique « Beaucoup de personnes ne savent pas ce que sont les coraux et leur importance. Le corail est à la base des écosystèmes récifaux. S’ils disparaissent, c’est toute la chaîne alimentaire qui est bouleversée. ».

Présentation de l’association The Coral Gardeners © Vanille Thullier
Présentation de l’association The Coral Gardeners © Vanille Thullier

Les coraux en danger

Les menaces qui pèsent sur les récifs coralliens à travers le monde sont nombreuses : pollutions issues des activités humaines, méthodes de pêche destructrices, artificialisation du littoral, pression touristique, acidification des eaux, etc. Le blanchissement, conséquence du réchauffement climatique global, est un phénomène particulièrement préoccupant : l’augmentation de la température des eaux soumet les coraux à un stress, les polypes coralliens expulsent alors les zooxanthelles - les microalgues avec lesquelles ils vivent en symbiose – ce qui provoque une perte de couleur des coraux et entraîne leur mort en quelques semaines.

Pour en savoir plus sur les enjeux liés aux récifs coralliens, consultez l’indicateur de l’état de santé des récifs ultramarins.

Evolution du développement des coraux sur une pépinière sous-marine © The Coral Gardeners
Evolution du développement des coraux sur une pépinière sous-marine © The Coral Gardeners

La jeune association, créée en 2017, s’est donnée 3 missions : restaurer les récifs coralliens, sensibiliser le public et développer des outils techniques innovants pour améliorer les connaissances sur les coraux. La présentation terminée, les questions fusent : « Quel accompagnement scientifique avez-vous ? Quelles espèces de coraux sont replantées ? Quel taux de réussite ? … ». La discussion s’engage et les échanges sont riches.

Il est ensuite temps de passer à la pratique. Sur la terrasse, nous attendent un seau rempli de fragments de coraux et une corde en plastique. Chacun est invité à placer un morceau de corail en bouture. Pourquoi utiliser une corde en plastique plutôt qu’en matériaux naturels ? « Les cordes en matériaux naturels tels que le pandanus ou les fibres de coco ont été testées, mais les fibres naturelles sont poreuses. Elles étaient rapidement colonisées par les microalgues et favorisaient les maladies coralliennes. » explique Taiano. « Ces cordes ont été récupérées dans des fermes perlières abandonnées aux Tuamotus, nous les réutilisons. ».

Mise en bouture des fragments coralliens sur la corde © Vanille Thullier
Mise en bouture des fragments coralliens sur la corde © Vanille Thullier

Nous sommes ensuite invités à nous mettre à l’eau, afin d’aller accrocher notre corde de boutures au milieu de la pépinière sous-marine. Une opération délicate à quelques mètres de profondeur, en apnée ! Les boutures se développeront pendant un à deux ans, et seront ensuite réimplantées sur un récif endommagé à proximité. L’association a ainsi replanté plus de 30 000 coraux depuis sa création il y a 5 ans.

Face aux interrogations, Taiano est lucide : « Replanter du corail ne va pas suffire à sauver les récifs, il faut absolument lutter contre le réchauffement climatique. Nous apportons une « aide » aux récifs endommagés, en espérant que cela leur permette d’être plus résilients. ». La matinée se termine autour de l’évocation des prochains projets de l’association : développer de l’influence auprès des politiques, former les jeunes déscolarisés, ou encore le projet « Odyssey 2025 » : l’ambition de planter un million de coraux d’ici 2025.

Fragment fraichement mis en bouture et résultat au bout d’un à deux ans en pépinière © The Coral Gardeners
Fragment fraichement mis en bouture et résultat au bout d’un à deux ans en pépinière © The Coral Gardeners

Au total, 16 journées de rencontres telles que celle-ci ont été organisées. Chargée de leur organisation pour Te Mana o Te Moana, Vanille Thullier en présente un bilan très satisfaisant : « Les retours sont très positifs, ça a notamment permis de mettre en avant de petites associations qui avait du mal à se faire connaître et aux participants de gagner en connaissances grâce à l’intervention d’experts locaux (ornithologue, botaniste, archéologue, biologiste marin). C’était un bel évènement d’apprentissage et d’échange, qui nous a permis, à tous, de réfléchir à des moyens de travailler ensemble à l’avenir ! ».

Le succès de cette première édition ouvre de belles perspectives : « Nous souhaiterions reconduire le projet sur Tahiti. » complète Helène Duran, directrice de l’association « Nous espérons que cela soit faisable en 2023, sinon, ce sera pour 2024. ».

En savoir plus, consultez le site des Coral Gardeners et leur rapport d’activité. Consultez également le site de l’association Te Mana O Te Moana et suivez leurs actualités sur Facebook.

Panneaux de sensibilisation sur la parcelle restaurée © Doriane Blottière
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